« La traduction c'est sacré »


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« La traduction c'est sacré »

Nous avons choisi d’ouvrir ce site dédié à la traduction et aux traducteurs-trices littéraires le 30 septembre, date qui est, depuis 1991, celle de la Journée mondiale de la traduction, qui coïncide avec la saint Jérôme – premier traducteur officiel de la bible en latin, il est considéré comme le patron des traducteurs. Une date symbolique donc, avec une référence des plus sérieuses.  Mais comme ce site s’adresse à tous les lecteurs curieux, érudits ou non, lecteurs d’aujourd’hui qui puisent à plusieurs fontaines, l’occasion était belle de faire un clin d’œil en image à une figure de traducteur vue récemment au cinéma, dans le film Okja.
 

Ce film nous conte l’histoire d’un « super-cochon » nommé Okja, génétiquement modifié aux États-Unis mais élevé avec amour par une toute jeune paysanne en Corée. Le traducteur en question incarne un personnage très secondaire, mais il offre une séquence savoureuse. Alors qu’il doit servir d’interprète entre l’adolescente coréenne et des militants écologistes américains, il déforme les propos des uns et des autres et travestit la pensée de l’enfant : en fait, il la trahit carrément et transforme un refus en acceptation, ce qui aura de graves conséquences pour le malheureux cochon.
Une demi-heure plus tard, on revoit ce « traducteur » au volant d’une camionnette. Il exprime ses regrets et, pour preuve de sa contrition, exhibe un avant-bras fraîchement tatoué de cette formule : « Translations are sacred », ce qui est sous-titré dans la version française : « La traduction, c’est sacré ». Le mea culpa porte ses fruits et l’interprète indélicat est immédiatement réintégré au groupe d’activistes.
Image du film Okja

Une séquence comme un concentré en images et sur le mode tragi-comique de très réelles problématiques de la traduction : la question de la fidélité (… les « Infidélités » seront le thème des prochaines Assises de la traduction à Arles), le rôle du traducteur, son invasion dans la parole de l’auteur, son pouvoir, son éthique, l’importance de ses choix sur les destinataires du texte (lecteurs ou auditeurs). Le tout encore souligné par le sous-titre, qui passe du pluriel en VO à une formulation au singulier en français, un singulier sacralisateur faisant presque de « La » traduction une religion. Retour à saint Jérôme… avec le sourire.

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Illustrations :
- Okja, film américana-coréen, réalisé par Joon-Ho Bong et sorti le 28 juin 2017 sur Netflix.
- Albrecht Dürer, Saint Jérôme dans son cabinet d’étude, 1521, Lisbonne, Museu de Arte Antigua